Pamphlet de Damien Glez dans les colonnes de Slate Afrique. Le thème : "À quoi sert une Journée mondiale de l'Afrique (tenue le 25 mai 2012) ?"
Extraits :
"Réjouissez-vous! Le changement africain, c'est maintenant. Le 25 mai, le monde -rien que ça- célèbre l'Afrique. Enfin, le continent est au centre des attentions! Sûr qu'au petit-déjeuner du 26 mai, il y aura des pains au raisin et des corn flakes au miel sous les tentes des camps de réfugiés. Sûr que le 27 mai, les derniers conflits du continent seront résolus par une batterie de traités de paix paraphés de petits cœurs. Sûr que le 28 mai, l'Afrique aura dépassé les Objectifs du millénaire pour le développement pour devenir un réservoir de 54 pays émergents. Le berceau de l'Humanité n'en sera plus le linceul…
[...]
Sous prétexte d'événements commémoratifs successifs, on cause, on glose et on pause. La pause-café gratuite, c'est toujours ça de pris. Et avec un peu de chance, ces experts autoproclamés et leurs observateurs du dimanche cooptés n'auront pas sorti pour rien leur cravate la plus vive: il toucheront quelques perdiems (indemnités journalières). Quand, pour l'occasion, on a été détaché par son service, ça vaut le coup de bâiller aux corneilles.
[...]
Et il y en a des Journées "tire-larmes", mondiales bien qu'orientées vers l'Afrique: le 16 juin, la Journée mondiale de l'enfant Africain; le 8 août, la Journée internationale de la femme africaine; le 7 novembre, la Journée Internationale de l'écrivain africain; le 20 du même mois, la Journée mondiale pour l'industrialisation de l'Afrique; le 25 avril, la Journée mondiale du paludisme… À quand une Journée mondiale des Journées mondiales?
Celle du 25 mai, plus générique que les autres, célèbre l'anniversaire de la signature des accords de l'Organisation de l'Unité Africaine, le 25 mai 1963. Elle a pour ambition de "favoriser le rapprochement entre les peuples africains".
[...]
Alors faut-il "célébrer" ou "commémorer"? Sans doute le bilan décevant de l'OUA n'explique-t-il pas, à lui seul, les tourments économiques de l'Afrique. Mais, à l'inverse, les contraintes économiques n'exonèrent pas le bilan décevant du "club de chefs d'État". Parce qu'elle n'évolue pas sur un continent où le confort invite à la somnolence, l'organisation continentale aurait pu transformer la révolte et la frustration en un puissant ressort politique.
[...]
D'ailleurs, l'épithète "mondial" n'est-il pas lui-même un trompe-l'œil dans une apologie en trompe-l'œil ? Qui sait, au Kazakhstan ou au Venezuela, que c'est la Journée de l'Afrique ? Dans ces contrées, certains ne savent même pas où se trouve le territoire de Toumaï et Lucy. Le territoire de qui ?…"
Lire l'intégralité de la tribune de Damien Glez publiée sur le portail Slate Afrique (en lien).